DSK, la vengeance du dollar



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Le monde francophone est décidément trop nombriliste. Tout occupé à disséquer les raisons d’un hypothétique complot visant à ruiner les ambitions électorales de Dominique Strauss-Kahn, il n’a pas saisi que l’enjeu véritable de la chute du directeur général du Fonds monétaire international (FMI) se situait purement et simplement du côté du nouvel ordre monétaire mondial.
L’objet n’est pas de disserter ici une énième fois sur les aspects de la culpabilité ou de l’innocence de M. Strauss-Kahn. Une constatation s’impose : en admettant même qu’il soit tombé dans un piège, le numéro un du FMI ne pouvait pas ne pas se rendre compte de sa fragilité au sein d’une organisation qui a été conçue et mise sur pied par les Etats-Unis. Une personne dans une situation aussi exposée que la sienne, nourrissant de telles ambitions, doit savoir anticiper les coups fourrés et limiter les risques. L’affaire de la chambre du Sofitel de New York, dans un pays dont la justice a fait des affaires de sexe son fonds de commerce, témoigne pour le moins d’un manque flagrant de prudence.
La perplexité est d’autant plus de mise que, quelque temps avant son arrestation, Dominique Strauss-Kahn se serait confié à des médias français et leur aurait fait part de ses appréhensions. Selon le patron du FMI, il fallait s’attendre à une campagne de calomnies en règle à son encontre. Pour le dissuader de convoiter la présidence de la France, on s’efforcerait de lui rappeler les écueils pouvant nuire à sa réputation, son penchant pour les femmes, sa judaité, etc…
S’il avait voulu être exhaustif, M. Strauss-Kahn aurait dû ajouter le dollar. Ou plus exactement ses prises de position contre le billet vert, coupable, à ses yeux, d’occuper la place dominante dans les paiements internationaux et, indirectement, dans le traitement de la dette des pays pauvres. Le 10 février 2011, Dominique Strauss-Kahn tenait un discours très fort à Washington, bizarrement complètement ignoré par la presse francophone. Le chef du FMI en appelait à un redimensionnement du poids du dollar au profit des droits de tirage spéciaux (DTS).
Créée en 1969, cette unité de compte représente une créance sur les pays membres du FMI. On ne l’appelle pas pour rien la « monnaie du FMI ». Sa valeur est exprimée en dollars au sein d’un panier de quatre monnaies de référence, le dollar, l’euro, la livre et le yen. Or, dans la vision de DSK, le yuan chinois devait aussi rejoindre ce club très sélect.
On imagine que la perspective de voir la monnaie du dragon parmi les dragons de l’émergence mondiale chasser sur les propres terres du dollar ne devait pas forcément provoquer que des applaudissements dans la capitale américaine. D’autant qu’à Davos, en janvier dernier, le président russe Medvedev a voulu s’engouffrer dans la brèche en plaidant en faveur de l’inclusion des monnaies du groupe émergent dit des « BRIC » – Afrique du Sud, Brésil, Russie, Inde, Chine -  dans le panier DTS.
« Preuve que le sujet est délicat, l’élargissement du panier des DTS était l’un des points principaux à l’ordre du jour du sommet du G20 de Paris, le 18 février 2011,  mais il fut mystérieusement omis lors des débats. En coulisses les Etats-Unis opposent, sans surprise, de fortes résistances à ce projet », souligne Myret Zaki, auteure de « La fin du dollar » (Favre, 2011), un passage de livre auquel les événements actuels donnent a posteriori une résonnance particulière.
Une conclusion s’impose : s’il veut être élu et rallier l’incontournable vote américain à sa cause, le candidat à la succession de DSK à la tête du FMI ne pourra pas éluder la donne dollar. Dans cette perspective tant Christine Lagarde que le Mexicain Agustin Carstens, les deux favoris, ont le bon profil.
Article  27 mai 2011
par/von Source la Meduse
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